La France est rendue à la
belote et à Tino Rossi !
‘La paix dans l’honneur’, brament les quotidiens
du soir. […] L’ordure sentimentale roule à gros bouillons sous le stylo des
journalistes en service commandé. Sur le demi-cadavre d’une nation trahie, sur
les demi-cadavres de leur honneur, de leur dignité et de leur sécurité, des
hommes, par millions, dansent la danse de Saint-Guy de la Paix. […] Piétinez
vos masques à gaz, imbéciles, car ce soir comme hier soir, c’est exact, il y
aura le bifteck sur la table et ensuite coucouche mon chéri. Mais vous m’en
direz des nouvelles, demain. Que vous le vouliez ou non, lâches imbéciles, un
jour viendra où l’odeur de vos cagayes sera étouffée dans l’odeur de votre
sang. A moins qu’éternellement vous ne vous préserviez du sang par la honte.[1]
Le 30 septembre 1938, le
Royaume-Uni et la France abandonnent la Tchécoslovaquie aux ambitions d’Adolf
Hitler, au mépris des traités d’alliance établis de longue date en ce qui
concerne la France. Parmi les rares personnalités du monde politique et
intellectuel qui protestent contre la honteuse signature, la voix de
Montherlant s’élève pour dénoncer avec fureur la décision honteuse.
Certains ont admiré chez Montherlant cette
figure du guerrier qui semble emprunter son modèle à Jünger et sa dignité à
Plutarque, d’autres dénoncent chez lui un art consommé de la mise en scène et
de la pose.
Ecrivain des vertus antiques et viriles, du
sport et de la tauromachie dans Les Olympiques ou Les Bestiaires,
Montherlant dénonce les excès et les misères du colonialisme dans La rose de
sable, dénonce la politique française face à Hitler dans L’équinoxe de
septembre en 1938 mais accepte néanmoins le principe d’une collaboration culturelle
avec le vainqueur et l'occupant dans Le solstice de juin en 1941. Il met en scène sa défiance vis à vis des femmes dans le très cruel cycle des Jeunes filles et se montre tout aussi cruel à l'égard des deux vieux garçons des Célibataires. C'est à la fin de sa vie qu'il lève le voile sur ses préférences amoureuses et sexuelle dans Les Garçons en 1969 et Mais aimons-nous vraiment ceux que nous aimons?, ouvrage publié en 1973, un an après que Montherlant, frappé de cécité, ait choisi d'aller au-devant de la mort, un peu à la manière de
Célestino dans Le chaos et la nuit qui reste peut-être son plus beau
roman.
L’écriture splendide de Montherlant en fait un
des auteurs les plus talentueux de la littérature française du XXe
siècle. Celui qui a fait figure de maître pour quelques générations d’auteurs
semble pourtant injustement laissé pour compte aujourd’hui. Montherlant, il est
vrai, s’intègre mal aux canons de la bêtise ultra-moderne.
Depuis 2011, le Cercle Cosaque propose à ceux
qui veulent se joindre à ses cavalcades littéraires, une découverte ou une redécouverte
des auteurs que l’on voudrait voir plus régulièrement invités au banquet de la
littérature contemporaine. François Taillandier, Pierre Jourde, Gabriel
Matzneff, Mathieu Jung ou Richard Millet sont déjà venus
animer et susciter les discussions passionnées des Cosaques qui décident, pour
la dernière séance de ce cabaret littéraire avant la reprise de la rentrée, de
proposer une soirée en hommage à Henry de Montherlant.
Tous les amateurs de littérature, voire de
tauromachie, sont invités à venir évoquer la figure et l’œuvre d’Henry de
Montherlant autour d’un verre ou de plusieurs chez Barak, au 29 rue
Sambre et Meuse (Paris X, métro Belleville), le jeudi 7 juin à 20h30.
Entrée interdite aux banquiers.
Les cosaques zaporogues écrivant une lettre au
sultan de Turquie par Ilya Repine. 1891.
Autour de l’œuvre d’Henry de Montherlant au
Cercle Cosaque
Chez Barak
29 rue de Sambre et Meuse (Xe)
Jeudi 7 juin, à partir de 20h30
http://cerclecosaque.hautetfort.com/
[1]
Henry de Montherlant. La paix dans l’honneur. Publié dans la Nouvelle
Revue Française en novembre 1938
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