"L’ermitage resserre les ambitions aux
proportions du possible. En rétrécissant la panoplie des actions, on augmente
la profondeur de chaque expérience. La lecture, l’écriture, la pêche, l’ascension
des versants, le patin, la flânerie dans les bois…l’existence se réduit à une
quinzaine d’activités. Le naufragé jouit d’une liberté absolue mais
circonscrite aux limites de son île. Au début des récits de robinsonnade, le
héros tente de s’échapper en construisant une embarcation. Il est persuadé que
tout est possible, que le bonheur se situe derrière l’horizon. Rejeté une
nouvelle fois sur le rivage, il comprend qu’il ne s’échappera pas et, apaisé,
découvre que la limitation est source de joie. On dit alors qu’il se résigne.
Résigné, l’ermite ? Pas davantage que le citadin qui, hagard, saisit
soudain sous les lampions du boulevard que sa vie ne lui suffira pas à goûter
toutes les tentations de la fêtes.
Au IVe siècle,
dans la haute Egypte, les ergs du Wadi an Natrun grouillait de moines en
haillons. Les anachorètes couraient au désert, dans les pas de saint Antoine et
de saint Pacôme. Leurs regards maladivement lumineux éclairaient des visages
recuits. Le réel les horrifiait. Pour eux, vivre avilissait. Spectres nourris
de lézards, ils refusaient le monde, craignaient ses saveurs. Leurs sensations
étaient leurs ennemis. S’ils rêvaient d’une cruche d’eau, ils pensaient que
Satan les tentait. Ils voulaient mourir pour gagner l’autre royaume, celui que
les Ecritures garantissent éternel.
L’ermite des
taïgas se tient aux antipodes de ces renoncements. Les mystiques cherchaient à
disparaître au monde. Le forestier veut se réconcilier avec lui. Ils attendaient
un avènement qui n’était pas de cette vie, lui cherche le surgissement de
brèves joies, ici et maintenant. Ils voulaient l’éternité, il traque l’exaucement.
Ils espéraient mourir, il aspire à jouir. Ils haïssaient leur corps, il aiguise
ses sens. En résumé, si l’on veut passer un bon moment autour d’une bouteille
de vodka, il vaut mieux tomber sur un solitaire des forêts que sur un fou de
Dieu perché sur sa colonne."
Sylvain Tesson. Dans les forêts de Sibérie. Gallimard. [Collection Blanche]. Paris. 2011. 267 p.
Et c'est en cela que Tesson est pauvre, et menteur, et faux.
RépondreSupprimerEt alcoolique aussi.
RépondreSupprimerEt appointé par le Figaro Magazine.
RépondreSupprimerC'est ça qui lui permet de s'offrir six mois de vacances au bord du Lac Baïkal?
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