La
spiritualité est une conception en vogue aujourd’hui, et il n’est ni surprenant
ni outrageant que la chaîne Arte s’en saisisse pour faire une série pour le
moins originale : la vie de cinq jeunes séminaristes au prise à la fois
avec la passion du Christ et avec la fureur du monde moderne.
Bien sûr, le tribut au politiquement
correct est de mise pour cette originalité impromptue. Les futurs prêtres se
doivent de faire partie de l’aile progressiste de l’Eglise même si l’on sait
que les vocations sont plus importantes chez les traditionalistes – et non les
intégristes ! – que chez les autres. De même, le profil des cinq jeunes
hommes relève davantage de l’imaginaire scénaristique que de la réalité sociale.
On ne s’attardera pas, non plus, sur le parcours type d’un séminariste dont la
densité intellectuelle et la persévérance des années sont difficilement
transposables sur le petit écran.
Il n’empêche que les deux premiers
numéros de cette série ne sont pas sans qualités, à commencer par celle qui la
structure : la foi vécu au quotidien, que ce soient dans les méandres de
la psyché individuelle ou dans les affres du monde extérieur. La question est
simple, et fondamentale : comment vivre sa foi dans un monde qui n’en a
plus ? Est-il encore possible d’être catholique, et de se mettre au
service de la communauté, dans une société dont l’ego-individualisme est la
marque de fabrique ? Selon un dernier sondage de La Croix, seul 1%
des 25-34 ans vont à la messe le dimanche. Faire une série sur des jeunes gens
dont l’une des premières missions sera de « dire » la messe est,
donc, bien une gageure en France, au XXIè siècle.
Et ce défi nous semble en grande partie
relevé, ne serait-ce que parce que ces futurs prêtres se situent dans les
marges de la société ; ils sont naturellement, par leurs existences mêmes,
des rebelles à l’ordre établi. Et le christianisme, par voie de conséquence,
une croyance en rupture pour ne pas dire une « idéologie » de combat.
Sur ce point, et d’après ce que nous
pouvons en juger, la foi et le dogme catholiques ne sont pas maltraités. Nous
passerons sur la lecture quelque peu caricaturale, mais non dénuée de
fondements, entre une institution romaine opulente et grevée par les intrigues
de pouvoir et un « supérieur » de séminaire animé par la sagesse des
premiers chrétiens, humble et miséricordieux. Il faut saluer ici la prestation
de Jean-Luc Bideau qui joue le rôle du Père Fromanger, directeur des Capucins,
dont les paroles sont marquées au coin du bon sens, et empreintes de sagesse
vécue. Son personnage, et ceux qui l’entourent, ne sont pas sans rappeler
l’assemblée des moines dans le film de Xavier Beauvois, Des hommes et des
dieux. Faut-il rappeler que le fonctionnement démocratique a été l’apanage
des premières communautés monastiques ?
Deux passages nous ont semblé
particulièrement « vrais » parce que dénués de manichéisme, comme
trop souvent les fidèles de l’église eux-mêmes nous y ont habitués. Le premier
met en scène un séminariste en fin d’études qui, à l’occasion d’un fait
perturbant, subit les assauts du doute. Il se convainc de poursuive son chemin
de foi et, donc, d’oubli de soi, mais ne parvient plus à mettre ses actes en
harmonie avec ses principes. Sa faute est révélée à l’ensemble de la communauté
et, de suite, la majorité des séminaristes lui accordent le pardon,
c’est-à-dire lui excusent sa faute. Comme tout cela est bon…
Heureusement, le père Fromanger intervient, et rappelle avec justesse que le pardon est beaucoup plus facile à donner que la faute à expier. Et le jeune séminariste coupable doit vivre avec sa faute jusqu’au jour où il pourra se la pardonner lui-même, car la faute, si elle n’est rien en elle-même, est le signe d’une épreuve qu’il faut traverser. Le pardon n’intervient qu’après la compréhension de cette épreuve. Et le père Fromanger de raccompagner ce jeune séminariste aux portes de la vie civile, car la vocation de prêtre suppose une âme claire, presque transparente, et dure comme la roche. « Dieu vomit les tièdes », et ceux qui se destinent aujourd’hui à la prêtrise ne font pas de concession avec eux-mêmes ; n’ont-ils pas tout abandonné pour suivre une voie qui n’apporte rien, sinon que l’espoir de vivre dans la vérité ?
Heureusement, le père Fromanger intervient, et rappelle avec justesse que le pardon est beaucoup plus facile à donner que la faute à expier. Et le jeune séminariste coupable doit vivre avec sa faute jusqu’au jour où il pourra se la pardonner lui-même, car la faute, si elle n’est rien en elle-même, est le signe d’une épreuve qu’il faut traverser. Le pardon n’intervient qu’après la compréhension de cette épreuve. Et le père Fromanger de raccompagner ce jeune séminariste aux portes de la vie civile, car la vocation de prêtre suppose une âme claire, presque transparente, et dure comme la roche. « Dieu vomit les tièdes », et ceux qui se destinent aujourd’hui à la prêtrise ne font pas de concession avec eux-mêmes ; n’ont-ils pas tout abandonné pour suivre une voie qui n’apporte rien, sinon que l’espoir de vivre dans la vérité ?
Nous sommes bien loin, avec ce premier
fait, de la propension des Catholiques à tout pardonner, comme les jeunes
séminaristes sont d’ailleurs tentés de le faire, comme s’il n’y avait pas là un
détournement de la doctrine bien comprise[1].
Le second passage concerne à nouveau le père Fromanger qui éprouve le besoin,
peut-être le devoir, de se confesser auprès de son assistant. Il a
effectivement péché par orgueil. Qu’est-ce à dire ? Il était dans la
vérité, et il s’est arc-bouté sur cette vérité sans prendre en compte la
situation dans laquelle cette vérité se déployait. En un mot, il n’a pas tenu
compte des circonstances qui nécessitait d’arranger la vérité en sa juste
mesure au lieu de la tenir fermement dans sa volonté première. C’est là,
assurément, l’une des grandes forces du christianisme que de reconnaître ce
péché insidieux, et surtout de pouvoir re-naître constamment à soi-même par
l’intermédiaire de la confession. Une fois encore, nous sommes bien loin de la
confession-sanction apprise autrefois dans les cours de catéchisme.
Michel
Foucault l’avait bien compris, lui qui voyait dans le christianisme une
« religion du salut dans la non-perfection ». La précarité devant
l’Absolu fait naître le sujet confessant, lequel admet sa faillibilité comme il
admet trouver en l’autre une sorte de remède médicinal. L’autre, son frère et
son miroir… Ce qui n’a jamais empêché certains chrétiens de gravir, un à un,
les échelons de l’être pour s’agenouiller devant le visage du Christ.
En
tout état de cause, ces quelques aperçus de la série Ainsi soient-ils
méritaient qu’on s’y arrête. Ses deux premiers épisodes évitent deux
écueils opposés : celui de la caricature et celui de la béatitude. Nous
sommes dans l’entre-deux, comme la vie ici-bas, entre ciel et terre, et
espérons que les prochains épisodes le restent[2].
Cet article peut être retrouvé sur Apache
[1]
Sur ce point, il faut mentionner le livre magistral de Jean Borella, La
charité profanée. Subversion de l’âme chrétienne (Paris, éditions du Cèdre,
1979), qui rappelle justement que cette notion de « charité » revêt
d’abord un sens spirituel, devient ensuite une vertu individuelle et s’affirme
enfin comme une action sociale. Prendre le chemin à l’envers, c’est détourner
le message évangélique et ne jamais se donner la possibilité de remonter
juqu’au véritable sens, qui vient en premier, celui de la dimension proprement
charitable de l’être.
[2]
Si l’on s’en tient aux jugements de certaines éminences catholiques (Mgr Di
Falco entre autres), mais peut-on s’en tenir à eux ?, la série est une
« mascarade », une « caricature » du catholicisme. C’est vrai
qu’ils ont vu, eux, les huit épisodes de la série. Affaire à suivre….
Bonne critique de cette série que je n'ai pas encore vue, animé par un préjugé défavorable. Je vais essayer de réparer cette lacune.
RépondreSupprimerIl ne faut pas trop en vouloir à Mgr Di Falco, quelqu'un de très ouvert d'ordinaire. Reconnaissez que l'affiche est caricaturale avec ces billets qui dépassent d'un missel. Le christianisme d'aujourd'hui n'a pas grand-chose à voir avec cela. L'Eglise est pauvre et n'a pas beaucoup de moyens. Certes, elle possède un certain patrimoine, encore faut-il l'entretenir. Le Vatican emploie beaucoup moins de fonctionnaires que la mairie de Paris.
La critique de Di Falco peut s'expliquer aussi par la multiplications des séries télévisées qui donnent une image négative de l'Eglise. Récemment, la série Inquisitio, diffusée cet été par la même chaîne de télévision. Et avant cela, les Borgia sur Canal +. Ça commence à faire beaucoup.
Oui, vous avez raison pour les séries susmentionnées. Mais là, il s'agit quand même d'attirer des téléspectateurs avec des séminaristes; alors croire que cela va refléter parfaitement la réalité...
RépondreSupprimerJ'espère juste que les épisodes suivants ne vont pas être dans la surenchère, auquel cas Mgr Di Falco aurait sans doute raison. Pour l'heure, j'ai l'impression que les deux premiers épisodes ont donné une image attrayante du catholicisme, ce que n'avait pas réussi à faire l'église depuis un bon moment, surtout auprès des jeunes.
Les athées ne s'y sont pas trompés d'ailleurs, puisqu'ils sont tombés à bras raccourcis sur ce qu'il pense être une "atteinte à la laïcité". Allons bon...
Cette série soulève une éternelle problématique ; nous pouvons connaître ce que nous allons peut-être perdre mais jamais nous ne connaîtrons ce que nous gagnerons à la place . Je suis sûre que certains ont peut -être des regrets car ils se sont trompés mais le courage est de reconnaître ses erreurs et de se méfier des préjugés . L'église n'est pas aussi bien heureuse que la société voudrait nous faire croire . Elle est à genoux en prière comme le reste de l'humanité et elle souffre aussi .
RépondreSupprimerEt chaque homme qui souffre a le visage du Christ...
SupprimerJ'ai été très curieux de découvrir cette série quand elle a été annoncée.
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé les deux premiers épisodes.
Ensuite, je trouve que cela part un peu fort, dans tous les sens. Les séminaristes sont vraiment caricaturaux, et les luttes dans la hiérarchie de l'église sont vraiment extrêmement fortes.
Est-ce réaliste, à ce point?
J'ai donc lu les commentaires, sur le site de Arte notamment, pour savoir ce qu'il se disait, et c'est vrai que le manque le plus fort est: où est la joie de consacrer sa vie à Dieu?
C'est une série excellente qui comme toute fiction n'est pas crédible mais suffisament réaliste pour enfin se délecter d'aun quotidien qui nous change des policiers, avocats, journalistes, etc. Pourquoi ce n'est pas France2 qui devait faire pousser ce genre de programme mais encore Arte qui s'y colle avec brio. Courez-vite sur vos canapés et fauteuils et profitez de cette fiction où les textes sont parfois très touchants.
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