Neurocamp ou Satellite Fighter : appel
public de Maurice G. Dantec contre le kidnapping de son œuvre, lu au Cercle
Cosaque le 27 septembre 2012.
Lorsque je suis mort pour la première fois, le 2 avril 2011, cela
dura sept jours, le temps de créer un monde et la créature qui l’habite, le
temps de produire un coma artificiel qui habitera un homme, selon la
nomenclature médicale en vigueur.
Une simple peccadille pour les pigistes-blogueurs aux ordres de la
bien-pensance indifférentialiste ou les intervenants de forums internet,
autoproclamés docteurs en droit mais dont le bloc tout juste multineuronal est
à ce titre généralement inculte.
Je subissais alors un choc septique majeur qui commençait à
attaquer les organes environnants, dont les poumons, qui subissaient par voie
de conséquence un double pneumothorax en règle, autre détail sans la moindre
importance significative pour les larbins de service et les décoratrices de
mode des défouloirs internautiques.
L’opération échoua ; une nécrose était apparue, une seconde
intervention s’ensuivit aussitôt, sous anesthésie générale lourde, modèle
abyssal ; plus de trente centimètres de l’organe infecté furent retirés in
extremis puis, une semaine de coma plus tard, on procéda à la réparation des
dégâts, par ce qui s’appelle une colostomie, dispositif réservé habituellement
aux victimes des cancers en phase métastatique, simple figure de style pour les
micro-Barons de l’Anneau qui savent, sans jamais avoir rien appris, surtout pas
dans leur propre corps, qui n’est pour eux qu’un appendice vaguement animé,
quoique bien planté au garde-à-vous devant le rictus sans visage du pouvoir
narcissique.
C’est au cours de la toute première mort, alors que les médecins
se trouvaient face à un pronostic plutôt sombre quant à l’issue du coma dans
lequel ils m’avaient plongé, que mon épouse, dont je tairais l’état
psychologique, reçut un coup de téléphone en provenance de France, d’un homme,
semblait-il en tout cas, qui s’enquérait, visiblement inquiet, de mon état de
santé.
Lui ayant livré l’avis pessimiste et circonstancié des
chirurgiens, Sylvie s’entendit répondre, par une voix assourdie d’une forme
inédite d’angoisse existentielle :
MAIS QU’EST-CE QUE JE VAIS DEVENIR ?
Ce membre de l’espèce connue sous le nom d’homo sapiens ignorait
qu’il accomplissait, à rebours, de façon éminemment paradoxale, et sans pouvoir
le deviner, un acte nietzschéen, à savoir que par ces simples mots, il devenait
pleinement ce qu’il était ou, plus précisément, dans son cas particulier, « se
révélait ce qu’il ne pouvait être », soit une personne. Une personne,
c’est-à-dire un être indivisible, mais circonscrivant l’opération de division
infinie, une personne, c’est-à-dire un être, tout simplement, soit une entité
dotée d’une relation à l ‘altérité qui ne soit pas fondée sur la suppression
systématique de celle-ci.
Comme je l’ai clairement signifié plus tard à ce membre de
l’espèce, lui citant un mot qui lui a nécessité, pour sûr, l’achat urgent d’un
dictionnaire bilingue traduisant le « sursinge » – pour reprendre Friedrich
Nietzsche une fois encore – je suis prêt au GAMBIT de mon propre ouvrage pour
préserver ma liberté et ma dignité d’écrivain libre.
Ce bipède probablement mammifère n’a pas la moindre idée de ce
qu’est un “gambit” – on ne s’en sert pas pour conduire des motocyclettes de
luxe ou utiliser des rétroprojecteurs de salon à ultra-haute définition – et il
est encore plus étranger au sens de l’expression écrivain libre, deux termes
qui ne peuvent évoquer pour lui qu’un assemblage de mystérieux hiéroglyphes.
Il lui faudrait en effet disposer de celui de “sacrifice”, or
celui-ci ne vaut pas les 72 000 euros d’une Porsche Boxer flambant neuve, ou le
prix d’un Grand-Divan-Blanc obtenu en solde lors de sa mise en vente au rayon
occasions d’Ikéa ou de Monsieur Meuble.
Aussi, par le présent appel public, je vais le placer, lui et ses
collaborateurs, quels qu’ils soient au demeurant, devant un changement radical
de PARADIGME :
Si le conflit qui nous oppose est désormais devenu total, c’est
qu’il s’agit en fait d’un authentique PROCÈS POLITIQUE. Et sur ce point, ce
n’est pas le stage d’été passé dans sa jeunesse au CDS de François Bayrou qui
va pouvoir lui être d’un très grand secours.
Car comme le savait un célèbre penseur allemand du XIXe siècle, la
GUERRE n’est rien d’autre que la poursuite de la POLITIQUE par d’autres moyens
et, bien évidemment, la réciproque est tout aussi avérée.
C’est la raison pour laquelle j’invoque ici mon droit à la
LÉGITIME DÉFENSE et mon recours à ce que Joseph Schumpeter nommait DESTRUCTION
CRÉATRICE.
J’en appelle officiellement aux véritables hommes libres, ceux
qui, parmi mes lecteurs, ont compris ce qui s’était tramé durant sept années
pleines, jusqu’à ce qu’une convergence de facteurs détonants fasse tout
exploser dans mon esprit enfin libéré de l’emprise d’une sinistre manipulation
psychologique, calculée comme telle dès ses origines.
Ce conflit éminemment POLITIQUE, comme je l’ai dit, met en jeu
deux systèmes de valeurs absolument et à jamais irréconciliables,
incompatibles, incompossibles – aurait dit Leibnitz, que ce membre de l’espèce
n’a certes jamais lu puisque, comme tout ce qui fonde son simulacre
d’existence, il ne lit pas, mais fait établir par son bloc cortical d’appoint
un résumé en diagonale qu’il a le temps de rapidement assimiler.
Ce livre mérite mieux qu’une maison d’édition sans la moindre
bibliothèque et dont le “patron” se considère en mesure d’ordonner comment et
quoi écrire, comment et quoi porter comme tenues vestimentaires, comment et
quoi dire aux journalistes, comment et quoi accepter de la part des
“contrôleurs-qualités” dont il forcera l’auteur à accepter la présence
observatrice, par-dessus son épaule.
Dans une guerre, surtout dans une guerre “civile”, l’essentiel est
de bien se faire comprendre par chacun des camps en présence.
Ce membre de l’espèce, apprentie cheftaine conseillère de style,
doit bien se faire à l’idée qu’il n’a strictement aucune MERCI à attendre de
moi. Et il sait très exactement pourquoi, et saura très bientôt comment.
Ceux qui savent déjà pourquoi et comment je me bats contre sa
paradoxale non-existence, et ses divers majordomes, doivent comprendre comment
et pourquoi agir :
Pourquoi ? Pour se dresser contre l’Inhumanité post-moderniste,
basée sur l’indifférence/indifférenciation narcissique généralisée, ce
micro-totalitarisme d’après la mort du « politique », cette « psychopathologie
de masse du fascisme » – pour citer Wilhelm Reich – atomisée dans le
tout-à-l’égo autonomique.
Comment ? En laissant une chance au livre d’exister par lui-même
et aucune à ceux qui l’ont kidnappé, en le plaçant d’office dans leur camp
d’internement neuropolitique.
Je ne fais guère confiance aux institutions qui gouvernent ce pays
sous le haut patronage politicien et moralitaire d’organisations sans visage ni
véritable légitimité, mais ce sont les grands médias en place, en particulier
ceux qui se réclament d’une « tradition républicaine d’objectivité » qui ont
montré de quel côté, celui du manche, celui du fric, celui de la foule
micronisée contre l’homme seul réunifié, celui du moi-je d’abord contre celui
de l’autre en soi, bref celui de leur homologue membre de la même espèce, ils
entendaient se situer.
Nous sommes donc bien au cœur d’un conflit politique, et même, et
surtout métapolitique, et c’est donc sur ce terrain que j’entends désormais me
battre contre ce membre de l’espèce et ses représentants de commerce. Jusqu’au
bout.
Jusqu’au bout de ses propres ténèbres, dans lesquelles il s’encage
de lui-même, car tel est le châtiment réservé au Crime contre l’Esprit.
Et c’est pourquoi, à l’instant même, la Vérité me rend libre.
En vous remerciant de votre attention -
j'ai les yeux qui piquent.
RépondreSupprimerMon ptit Maurice que ta plus grande œuvre soit celle de cette lutte contre le viol mental et le viol artistique...
D'ailleurs c'est peu être un futur livre que tu tiens là.
Monsieur Le Gurhal.
Merci pour ce commentaire. On espère aussi ici que la pire chose qui puisse maintenant arriver à MGD soit de trouver la matière pour un nouveau livre et nous lui souhaitons en attendant bon courage.
RépondreSupprimercourage à Mr Dantec, je lis ses livres avec toujours grand plaisir et tous sont dignes du plus grand intêret.
RépondreSupprimerSon nom restera inscrit à travers son oeuvre, qui se souviendra de son agent,ses livres resteront et seront sûrement encore plus appréciés des génerations futures, tant il est difficile d'être compris par ses contempouriens...
Merci.
Les contempouriens...On ne saurait mieux dire! Ou carrément les contents-pourris? Bon courage à Maurice Dantec également.
RépondreSupprimerIl ne nous éprouve jamais plus que nous ne pouvons le supporter. Mr Dantec je vous souhaite beaucoup de courage et bravo et merci pour votre œuvre au combien éclairante.
RépondreSupprimerrelire ce texte, 9 ans plus tard....
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