« Les guerres justes sont des guerres
limitées, menées conformément à un ensemble de règles destinées à éliminer,
autant qu'il se peut, l'usage de la violence et de la contrainte à l'encontre
des populations non-combattantes. L'application de ces règles n'étant pas
assurée par un pouvoir de police ou par l'autorité de tribunaux, elle est dans
une large mesure dénuée d'efficacité - pas totalement, toutefois. Et même si
ces règles ne parviennent pas à déterminer la conduite d'une guerre
particulière, elles réussissent souvent à déterminer le jugement qu'en conçoit
l'opinion publique et de ce fait, peut-être, la formation, l'engagement et le
comportement futur des soldats. Si la guerre est le prolongement de la
politique, il s'ensuit que la culture militaire est un prolongement de la
culture politique. Bien qu'il ne soit pas déterminant, le rôle que jouent le
débat et la critique a son importance pour définir le contenu de l'une et
l'autre de ces cultures.
Deux types de limites sont ici d'une importance
capitale, et tous deux occupèrent une large place dans l'argumentation
politique qui défendait la guerre du Golfe, puis dans la critique qu'elle
suscita. Le premier concerne les fins de la guerre, les objectifs pour lesquels
on se bat. La théorie de la guerre juste, telle qu'on la comprend généralement,
vise à restaurer le statu quo ante, l'état de choses antérieur, c'est-à-dire
avant l'agression, avec une clause restrictive supplémentaire : que la menace
exercée par l'État agresseur au cours des semaines ou des mois précédant
l'agression ne soit pas incorporée à cette « restauration ». Il s'ensuit que la
guerre a pour fin légitime la destruction ou la défaite, la démobilisation et
le désarmement (partiel) des forces armées de l'agresseur. Sauf dans des cas
extrêmes, comme celui de l'Allemagne nazie, elle ne va pas jusqu'à viser
légitimement à la transformation de la politique intérieure de l'État agresseur
ou au remplacement de son régime, objectif qui exigerait une occupation
prolongée et une coercition massive de la population civile. Bien plus
encore, elle exigerait une usurpation de souveraineté, ce qui est précisément
la raison pour laquelle on condamne
l'agression".
Lien aimablement communiqué par Wincheslav Lubitsch
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