jeudi 6 septembre 2012

BHL: le roi se meurt


       Il ne manquait plus à la tragi-comédie qui se joue autour de l'Eloge littéraire d'Anders Breivik, qu'un acteur essentiel: Bernard-Henri Lévy. Sa contribution fut essentielle, comme toujours...

       Il était une fois, un royaume fort fort lointain. Et dans ce royaume fort fort lointain, il était un palais d’argent, un haut palais aux fières murailles dont les tours orgueilleuses perçaient les nuages. Et dans la plus haute des tours de ce très beau palais, il y avait, assis sur un trône d’or un roi, un pauvre roi qui lentement se mourait.
Pendant des années, le bon souverain avait régné sans partage sur ce royaume dont il n’apercevait, de son palais, que les toits dorés et les flèches d’albâtre des plus belles demeures et des plus fiers châteaux, dont aucun cependant ne pouvait rivaliser avec le sien. Souvent il offrait dans la plus belle des salles de réception de son palais, de grands soupers ou de somptueux bals auxquels les gens de bien et les plus hauts dignitaires de sa bonne cité royale se pressaient pour admirer le roi, pour se faire admirer de lui et pour pouvoir s’admirer plus encore dans les grands miroirs qui décoraient tous les murs de ce merveilleux palais. Car il n’y avait pas dans tout le royaume de miroirs où l’on puisse paraître plus à son avantage.




Ainsi ce royaume fort lointain vivait-il au rythme des fêtes majestueuses que donnait ce souverain que tout le monde s’employait à flatter et à chérir tant l’on aimait qu’il distribue autour de lui ses largesses. Et quoi que le souverain décide ou proclame, il n’entendait jamais que le roulement délicieux des applaudissements et le doux bruissement des flatteries qui papillonnaient autour de ses oreilles.
Mais il arriva un jour qu’un félon jaloux de tant de fastes et d’éloges publie dans un coin du royaume un méchant libelle dans lequel il proclamait qu’en dessous des toits d’or des belles demeures et des flèches d’albâtre des beaux palais, il existait un autre royaume dont les sujets vivaient dans la dissension et dans la crainte, livrés au désespoir, au meurtre et à la haine, la haine surtout, de ceux qui les gouvernaient.
Le pauvre souverain à qui l’on rapporta un beau jour le méchant libelle ne comprenait pas de quoi il s’agissait :

-          - Qu’est-ce à dire ! s’écria-t-il, que sont donc ces histoires de RER, de hordes de basanés et de chant de Kalashnikov ? Notre royaume serait-il attaqué ?

La reine se précipita à ses pieds :

-          - De grâce ! Calmez-vous mon tendre époux ! Réconfortez-vous donc bien plutôt au creux de mes doux bras dont la peau a la consistance d’une poire mûre !

Le souverain se récria :

-          - Que me chantes-tu là ma femme, ce sont là les paroles de ce vil coquin qui rédigea ce si méchant libelle ! Ce faquin envieux qui m’envie mes succès qui ne sont pas les siens car ce sont mes succès de moi !

Le souverain allait d’un coin à l’autre de la pièce en brandissant le papier, cause de son juste et souverain courroux, et interpellait les gardes qui n’osaient piper mot :

-          - Enfin, qui est-il cet avorton qui se permet de prendre pour sujet dans son méchant torchon l’histoire d’un dément pour en faire le symbole, l’étendard de notre royaume !? Ne sait-il pas d’ailleurs qu’ici on ne bénit les fous et les salauds qu’avec une autorisation gouvernementale ? Où va-t-on si les écrivains se mettent à écrire ce qu’ils ont envie d’écrire quand les souverains ne peuvent plus faire la guerre sans qu’on les moque.

Car la dernière campagne militaire du souverain avait été vertement critiquée et le bon roi s’était efforcé d’oublier dans les fêtes et les célébrations tous ces injustes reproches…


Illustration de Michael Kutsche

-          - Et mes gens qui furent chargés de faire taire cet importun ? Qu’ont-ils fait au juste ? Ont-ils rempli leur mission ? Ils devaient je crois tancer vertement l’éditeur responsable de ce scandale !
-          - C’est-à-dire que…bredouilla le chef de la garde royale, ils ont bien tancé, et tancé tant qu’ils ont pu…mais l’éditeur était en voyage. Quand il est revenu, il a seulement fait savoir que cela ne le regardait pas et a fermé sa porte.
-          - C’est fort regrettable car…

Mais au moment de prononcer ces mots, alors que le souverain furieux se tournait vers un grand miroir avec le méchant libelle à la main, il eut un hoquet de terreur et recula en chancelant. Toute la surface du beau miroir était barrée d’une grande fissure et l’on s’apercevait que cette fissure se poursuivait tout le long du mur, courait le long des plinthes et traversait le plafond et soulevait en même temps le parquet sous le trône qui se trouvait du coup posé de guingois. Le roi leva les yeux vers les fresques sales et défraichies qui ornaient la salle du trône et vers le lustre plein de toiles d’araignées, il regarda d’un air triste les moulures qui se décrochaient du plafond et le trône lui-même dont les belles dorures s’écaillaient. Une grande faiblesse lui vint et il chancela à nouveau, jusqu’à choir à genoux. 




Le médecin royal qui observait en se taisant depuis le début de l’esclandre, se précipita pour le relever :

-          - Sire, c’est un grand malheur qui s’abat sur le royaume et vous, son bon souverain, êtes le premier à en porter le fardeau. Vos sujets désormais vous méprisent et l’on se détourne de vous…
-          - Mais non c’est faux ils m’aiment…et l’on m’admire !
-          - Du royaume, désormais l’on n’hésite plus à dénoncer tout haut la décrépitude !
-          - Mensonges ! Il ne s’est jamais porté aussi bien !
-          - On se rit de vos conseils et vos sentences ne rencontrent que l’indifférence !
-          - Ce sont des salauds qui le disent, ceux qui admirent les assassins et chérissent les criminels !
-         -  Même les salauds, les assassins et les criminels ne prêtent plus attention à vous, pour peu qu’ils aient constaté votre existence un jour…
-          - Le peuple m’aime et me comprend et vit avec respect dans l’ombre de mon palais d’argent !
-         - Ce palais est votre prison et votre peuple est celui des courtisans…Regardez ! Au moment fatidique, vous êtes seul. Vous n’avez plus pour toute compagnie, que médecin et épouse dans ce château décrépi…

Le roi alors pousse un long soupir et regardant devant lui, ne voit plus le trône qui scintille ni les miroirs qui chaque jour renvoyaient son beau reflet. Il ne voit plus les lourdes tentures qui entouraient les tableaux des ancêtres, eux aussi disparus. Il ne sent plus les bras du médecin qui le soutenaient encore à l'instant et n’entend plus que, comme le murmure très lointain d’un ruisseau, les pleurs de sa femme qui bientôt s’effacent dans la nuit qui se fait tout autour de lui. Dans un dernier souffle, il dit encore :

-          L’affaire, on peut l’imaginer, ne fait que commencer.


Le roi se meurt.

Librement adapté de l’œuvre d’Eugène Ionesco.
Sur une idée de Richard Millet.
Mis en scène par Bernard-Henri Lévy, avec dans le rôle principal, Bernard-Henri Lévy.
En représentation tous les jours et partout jusqu’à épuisement des spectateurs.

1 commentaire:

  1. - En direct du bloc-note de BHL sur le journal Le Point, Jean-Michel se passe-t-il quelque chose?
    - Eh bien non, Marie-Chantal, toujours rien. Depuis hier, il n'y a toujours aucun commentaire. Le Point a même procédé durant la soirée à leur fermeture pour les rouvrir au matin pour faire croire qu'il se passait quelque chose mais non, décidément, il ne se passe vraiment rien ici.
    - Doit-on en conclure que les gens se foutent de l'avis de BHL?
    - Oui je crois qu'on peut dire qu'ils s'en tamponnent grave, Marie-Chantal.
    - Merci Jean-Michel, à vous Cognac-Jay.

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