Il ne manquait plus à la tragi-comédie qui se joue autour de l'Eloge littéraire d'Anders Breivik, qu'un acteur essentiel: Bernard-Henri Lévy. Sa contribution fut essentielle, comme toujours...
Il était une fois, un royaume fort fort lointain. Et dans ce royaume fort fort lointain, il était un palais d’argent, un haut palais aux fières murailles dont les tours orgueilleuses perçaient les nuages. Et dans la plus haute des tours de ce très beau palais, il y avait, assis sur un trône d’or un roi, un pauvre roi qui lentement se mourait.
Il était une fois, un royaume fort fort lointain. Et dans ce royaume fort fort lointain, il était un palais d’argent, un haut palais aux fières murailles dont les tours orgueilleuses perçaient les nuages. Et dans la plus haute des tours de ce très beau palais, il y avait, assis sur un trône d’or un roi, un pauvre roi qui lentement se mourait.
Pendant des années, le bon souverain avait régné sans partage sur
ce royaume dont il n’apercevait, de son palais, que les toits dorés et les flèches
d’albâtre des plus belles demeures et des plus fiers châteaux, dont aucun
cependant ne pouvait rivaliser avec le sien. Souvent il offrait dans la plus
belle des salles de réception de son palais, de grands soupers ou de somptueux
bals auxquels les gens de bien et les plus hauts dignitaires de sa bonne cité
royale se pressaient pour admirer le roi, pour se faire admirer de lui et pour
pouvoir s’admirer plus encore dans les grands miroirs qui décoraient tous les
murs de ce merveilleux palais. Car il n’y avait pas dans tout le royaume de
miroirs où l’on puisse paraître plus à son avantage.
Ainsi ce royaume fort lointain vivait-il au rythme des fêtes
majestueuses que donnait ce souverain que tout le monde s’employait à flatter
et à chérir tant l’on aimait qu’il distribue autour de lui ses largesses. Et
quoi que le souverain décide ou proclame, il n’entendait jamais que le roulement
délicieux des applaudissements et le doux bruissement des flatteries qui
papillonnaient autour de ses oreilles.
Mais il arriva un jour qu’un félon jaloux de tant de fastes et d’éloges
publie dans un coin du royaume un méchant libelle dans lequel il proclamait qu’en
dessous des toits d’or des belles demeures et des flèches d’albâtre des beaux
palais, il existait un autre royaume dont les sujets vivaient dans la
dissension et dans la crainte, livrés au désespoir, au meurtre et à la haine,
la haine surtout, de ceux qui les gouvernaient.
Le pauvre souverain à qui l’on rapporta un beau jour le méchant
libelle ne comprenait pas de quoi il s’agissait :
- - Qu’est-ce à dire ! s’écria-t-il,
que sont donc ces histoires de RER, de hordes de basanés et de chant de Kalashnikov ? Notre
royaume serait-il attaqué ?
La reine se précipita à ses pieds :
- - De grâce ! Calmez-vous mon
tendre époux ! Réconfortez-vous donc bien plutôt au creux de mes doux bras
dont la peau a la consistance d’une poire mûre !
Le souverain se récria :
- - Que me chantes-tu là ma femme, ce
sont là les paroles de ce vil coquin qui rédigea ce si méchant libelle !
Ce faquin envieux qui m’envie mes succès qui ne sont pas les siens car ce sont
mes succès de moi !
Le souverain allait d’un coin à l’autre de la pièce en brandissant
le papier, cause de son juste et souverain courroux, et interpellait les gardes
qui n’osaient piper mot :
- - Enfin, qui est-il cet avorton qui
se permet de prendre pour sujet dans son méchant torchon l’histoire d’un dément
pour en faire le symbole, l’étendard de notre royaume !? Ne sait-il pas d’ailleurs
qu’ici on ne bénit les fous et les salauds qu’avec une autorisation
gouvernementale ? Où va-t-on si les écrivains se mettent à écrire ce qu’ils
ont envie d’écrire quand les souverains ne peuvent plus faire la guerre sans qu’on
les moque.
Car la dernière campagne militaire du souverain avait été
vertement critiquée et le bon roi s’était efforcé d’oublier dans les fêtes et
les célébrations tous ces injustes reproches…
Illustration de Michael Kutsche
- - Et mes gens qui furent chargés de
faire taire cet importun ? Qu’ont-ils fait au juste ? Ont-ils rempli
leur mission ? Ils devaient je crois tancer vertement l’éditeur
responsable de ce scandale !
- - C’est-à-dire que…bredouilla le
chef de la garde royale, ils ont bien tancé, et tancé tant qu’ils ont pu…mais l’éditeur
était en voyage. Quand il est revenu, il a seulement fait savoir que cela ne le
regardait pas et a fermé sa porte.
- - C’est fort regrettable car…
Mais au moment de prononcer ces mots, alors que le souverain furieux se tournait vers un grand
miroir avec le méchant libelle à la main, il eut un hoquet de terreur et recula
en chancelant. Toute la surface du beau miroir était barrée d’une grande
fissure et l’on s’apercevait que cette fissure se poursuivait tout le long du
mur, courait le long des plinthes et traversait le plafond et soulevait en même
temps le parquet sous le trône qui se trouvait du coup posé de guingois. Le roi
leva les yeux vers les fresques sales et défraichies qui ornaient la salle du
trône et vers le lustre plein de toiles d’araignées, il regarda d’un air triste
les moulures qui se décrochaient du plafond et le trône lui-même dont les
belles dorures s’écaillaient. Une grande faiblesse lui vint et il chancela à
nouveau, jusqu’à choir à genoux.
Le médecin royal qui observait en se taisant depuis le début de l’esclandre, se précipita pour le relever :
Le médecin royal qui observait en se taisant depuis le début de l’esclandre, se précipita pour le relever :
- - Sire, c’est un grand malheur qui
s’abat sur le royaume et vous, son bon souverain, êtes le premier à en porter
le fardeau. Vos sujets désormais vous méprisent et l’on se détourne de vous…
- - Mais non c’est faux ils m’aiment…et
l’on m’admire !
- - Du royaume, désormais l’on n’hésite
plus à dénoncer tout haut la décrépitude !
- - Mensonges ! Il ne s’est
jamais porté aussi bien !
- - On se rit de vos conseils et vos
sentences ne rencontrent que l’indifférence !
- - Ce sont des salauds qui le
disent, ceux qui admirent les assassins et chérissent les criminels !
- - Même les salauds, les assassins
et les criminels ne prêtent plus attention à vous, pour peu qu’ils aient
constaté votre existence un jour…
- - Le peuple m’aime et me comprend
et vit avec respect dans l’ombre de mon palais d’argent !
- - Ce palais est votre prison et
votre peuple est celui des courtisans…Regardez ! Au moment fatidique, vous
êtes seul. Vous n’avez plus pour toute compagnie, que médecin et épouse dans ce
château décrépi…
Le roi alors pousse un long soupir et regardant devant lui, ne
voit plus le trône qui scintille ni les miroirs qui chaque jour renvoyaient son
beau reflet. Il ne voit plus les lourdes tentures qui entouraient les tableaux
des ancêtres, eux aussi disparus. Il ne sent plus les bras du médecin qui le
soutenaient encore à l'instant et n’entend plus que, comme le murmure très lointain d’un ruisseau,
les pleurs de sa femme qui bientôt s’effacent dans la nuit qui se fait tout
autour de lui. Dans un dernier souffle, il dit encore :
-
L’affaire, on peut l’imaginer, ne
fait que commencer.
Le roi se meurt.
Librement adapté de l’œuvre d’Eugène
Ionesco.
Sur une idée de Richard Millet.
Mis en scène par Bernard-Henri Lévy,
avec dans le rôle principal, Bernard-Henri Lévy.
En représentation tous les jours et
partout jusqu’à épuisement des spectateurs.
- En direct du bloc-note de BHL sur le journal Le Point, Jean-Michel se passe-t-il quelque chose?
RépondreSupprimer- Eh bien non, Marie-Chantal, toujours rien. Depuis hier, il n'y a toujours aucun commentaire. Le Point a même procédé durant la soirée à leur fermeture pour les rouvrir au matin pour faire croire qu'il se passait quelque chose mais non, décidément, il ne se passe vraiment rien ici.
- Doit-on en conclure que les gens se foutent de l'avis de BHL?
- Oui je crois qu'on peut dire qu'ils s'en tamponnent grave, Marie-Chantal.
- Merci Jean-Michel, à vous Cognac-Jay.