Rebelles des
beaux quartiers, petits mutins accrédités, que sont devenus les antifascistes ?
Ils ont grandi et se sont épanouis en même temps que le Front
National, sous le regard amusé et bienveillant de Tonton, car ce sont les
années Mitterrand qui ont accouché de cette hydre à deux têtes : le Front
National et son inévitable corollaire antifasciste, le requin et son
poisson-pilote. L’un ne va pas sans l’autre et si Jean-Marie Le Pen a dû en
partie la mise en orbite de son parti à F. Mitterrand, la nébuleuse antiraciste
doit sa justification idéologique et son existence même au leader du parti nationaliste.
Après les années 1980 et les petites mains jaunes du « Touche
pas à mon pote », les années 90 ont vu défiler le cortège monotone des
manifestations antiracistes, des groupes conscientisés et des éditoriaux
moralistes, tous semblables, répétant à l’unisson les mêmes slogans, enfonçant
de concert toutes les portes ouvertes du
boyscoutisme idéologique, déclinant sur tous les modes et à tout propos les
mêmes poses de résistants de pacotille. Le rock alternatif est mort quelque
part entre la première cohabitation de Chirac et le bicentenaire de la
Révolution Française mais la jeunesse des années 90 ne cessera pas, avec sérieux
et bonne conscience, de scander jusqu’à l’aube de la quarantaine assagie qu’elle
emmerde le Front National.
SOS Racisme est passé depuis longtemps de « Touche pas à mon
pote » à « Touchez pas au Grisby » quand Jean-Marie Le Pen,
inoxydable, connaît en 2002 la consécration de sa longue carrière politique.
Alors, banderoles en main et jolis slogans à la bouches, les antifascistes sont
descendus dans la rue pour taper du pied, brandir le poing et prendre leur
place dans cette belle opérette que la chiraquie vacillante leur offrait. Sur
les plateaux de télévision, les journalistes, les artistes et les bonnes âmes
prenaient avec ferveur le pouls de cette France rebelle et de cette jeunesse
qui communiait dans une révolte pour rire. Il y avait grand intérêt à ce moment
à se trouver devant son poste de télévision pour goûter des moments de
drôlerie qui atteignaient presque la grâce des interventions
de Jean-Edern Hallier dans la campagne (des européennes) de 1979.
A ce moment précis, quelque-chose s’est déréglé dans la belle
mécanique qui semblait si bien huilée depuis la fin des années 90 et la mise à
l’écart des derniers trublions cathodiques. Le deuxième tour des élections n’avait
finalement aucune importance. La rue a offert à Jacques Chirac la plus belle
réélection de la Ve république et au régime le plus violent camouflet qu’il ait
eu à subir depuis sa création. Dans les médias cependant, on pouvait avoir pour
la première fois l’impression que les acteurs n’étaient plus très sûrs de leur
texte. François Hollande et Yannick Noah mouillaient leurs chemises sur les
plateaux de télévision et la France se répandait sur les grandes avenues en
larges coulées de peur sous l’œil hagard des caméras. Quelque chose
pourrissait à vue d’œil en chiraquie.
Quand tout est rentré dans l’ordre et que le Thrasybule corrézien
fut réélu avec 82% des voix, les antifascistes se sont congratulés. Personne
parmi eux, au sein du PS ou de ses différentes officines ne s’est demandé bien
sûr quelle aurait pu être la responsabilité des bonnes âmes dans le triomphe de
Jean-Marie Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2002.
Personne évidemment ne pouvait mettre en avant le rôle joué par les champions
de la bonne conscience dans cette triste mascarade. Les antifascistes alors ont
continué à jouer à guichets fermés la comédie de boulevard de la lutte contre
la réaction et ce faisant ils ont continué à trahir tout ce qu’ils prétendaient
défendre et à servir tout ce qu’ils prétendaient combattre : le peuple,
réduit depuis longtemps à la figure simple du beauf de Cabu, la mondialisation
qu’ils conspuaient à longueur de meeting tout en s’en faisant les avocats les
plus efficaces, l’immigré dont ils avaient fait leur héros du moment bien sûr
qu’il reste enfermé dans la banlieue et dans le rap, condamné à n’être que l’icône
inconnue de la « diversité ».
Ils n’ont pas plus compris ces bienheureux qu’ils avaient préparé
de la même manière la victoire en 2007 du vulgaire et discourtois Sarkozy et qu’en
empêchant systématiquement tout débat sur le bien-fondé de la construction
européenne, sur l’immigration de masse ou sur une intégration dont ils ne
souffraient certainement pas des dysfonctionnements, ils préparaient à chaque
fois l’avènement d’un populisme simplificateur, réponse symétrique à l’irréfutable
catéchisme de ces révolutionnaires appointés. Il est vrai que l’on a rien besoin de
comprendre quand on détient à coup sûr la vérité.
Où sont les antifascistes aujourd’hui ? Ils ne paraissent plus
très fringants. Ils s’agitent encore beaucoup bien sûr, ils condamnent, ils
menacent, ils s’indignent mais leur vacuité est apparue au grand jour désormais.
Il aura fallu peut-être le développement d’internet et des réseaux sociaux pour
renverser la chape de plomb qui pesait sur le débat public en France. Quoi qu’on
dise ou pense de ces outils, ils auront servi malgré tout à construire une
alternative au discours produit et ressassé par les médias traditionnels.
Peut-être se rendra-t-on compte, quand ce sera apaisé l’emballement médiatique,
que « l’affaire Millet » aura représenté un tournant décisif. Car la
publication conjointe des trois ouvrages : Langue fantôme, De l’antiracisme
comme terreur littéraire et Intérieur avec deux femmes, aura permis
de faire entendre clairement cette contestation sourde du discours établi qui n’était
encore jusque-là qu’une rumeur montante.
Millet a ouvert une brèche. On a pu soupçonner que l’écrivain qui n’est
sans doute pas né de la dernière pluie ait parfaitement anticipé les réactions
aberrantes auxquelles il allait s’exposer. Il est vrai que nous sommes
tellement habitués à celles-ci désormais et Renaud Camus avant lui en avait
fait les frais… L’objectif de Millet cependant n’était pas de provoquer un
succès de librairie fondé sur un scandale médiatique mais bien plutôt de
révéler au grand jour l’inanité profonde de l’antiracisme conçu comme un outil
idéologique, comme une législation sémantique visant à imposer une relecture
constante du réel pour masquer l’impuissance du politique. Cela a parfaitement fonctionné et l’on peut
ici être reconnaissant à l’auteur non pas d’avoir fait l’éloge d’Anders Breivik,
ce que ses détracteurs ont voulu mensongèrement retenir de son propos, mais d’avoir
permis tout simplement de croire qu’il était encore possible d’écrire ou de
débattre de façon un peu plus libre sans se soucier de l’éternelle censure d’un
« politiquement correct » aussi stérile qu’étouffant. Le prix à
payer, objectera l’intéressé, est certes lourd, il le sera sans doute encore
pour longtemps.
Mais il faut enfin adresser un dernier remerciement cette fois aux
journalistes du Nouvel Observateur et aux signataires du manifeste
Ernaux pour avoir, dans leur précipitation, révélé à quel degré d’imbécilité
et de sectarisme borné sont parvenus les nouveaux chiens de garde. Il faut les
remercier aussi de nous avoir tant fait rire. Réussir à faire tenir dans le
même arbre Jean Robin, Stormfront ou Eric Zemmour est un exploit qui égaye
toujours autant les soirées et acquiert le statut d’une running joke dont
le succès ne se dément pas (scoop : Eric Zemmour aurait été le bassiste de
Légion 88 de 1987 à 1989, Renaud Camus est un biker danois membre de la Arian Brotherhood
et Alain Soral aurait servi de modèle pour les pochettes du groupe Manowar).
Félicitations donc à Renaud Dély, A. Ernaux et tous leurs acolytes
pour avoir si charitablement accepté de passer pour des cons et avoir ruiné
avec autant de brio le peu de crédibilité qu’il leur restait. Il va falloir en
produire maintenant des expertises pour rattraper le coup. Et après cette
brillante démonstration, cela devrait peut-être devenir encore un peu plus
difficile de trouver des spécialistes assez charitables pour accepter de se
laisser embarquer dans ce genre d’aventures. Pour pallier cette éventuelle
difficulté, je suggère à Renaud Dély d’aller chercher la prochaine fois un peu
d’inspiration dans les films Surf Nazis must die ou Dead snow (l’histoire
de nazis congelés qui reviennent brusquement à la vie et terrorisent des
snowboarders norvégiens), c’est à peu près du niveau de ses analyses mais en plus drôle.
On comprend pourquoi vous n'avez pas signé ...
RépondreSupprimerOui c'est pour faire parler Mézigue.:)
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