Nous reproduisons ici un texte de Georges Kaplan
évoquant une Aurélie Filippetti qui semblent posséder une vision quelque peu
autocratique de la culture, à moins qu’elle ne mesure pas toujours le sens des
mots qu’elle emploie. Du bien fondé, ou non, du monopole étatique dans le
domaine culturel. La culture c'est comme la confiture, moins on en a, plus on l'étatise.
On a appris l’autre jour qu’Aurélie Filippetti,
notre lumineuse ministre de la culture [1], « considère vraiment que la culture
fait partie du domaine régalien de l'État. » Voilà une remarque intéressante
d’autant plus qu’elle le considère vraiment ; venant d’un ministre de la
République on peut à bon droit estimer qu’elle pèse pleinement le sens de cette
déclaration. Détaillons donc : ce que l’on désigne par droit régalien, en
français comme en théorie politique, c’est un pouvoir exclusif du souverain. En
d’autres termes, mademoiselle Filippetti nous explique qu’il existe un domaine
d’activité que l’on appelle « la culture » qui est une prérogative de l’État ;
qui, sur le territoire de la République, ne peut être exercé par personne
d’autre que ce dernier.
Je ne crois pas m’avancer beaucoup en supposant
que ce n’est pas du tout ce qu’Aurélie Filippetti voulait nous dire. Plus probablement,
notre ministre de la culture n’a aucune culture politique ; elle utilise le mot
qui lui vient, peu importe sa signification et notre presse culturelle
s’empresse de relayer la déclaration urbi et orbi sans émettre la moindre
objection. Le message que mademoiselle Filippetti voulait plus probablement
faire passer aux artistes subventionnés et autres intermittents du spectacle,
c’est qu’elle estime tout à fait légitime que l’État dépense l’argent des
contribuables – et, si possible, en grande quantité – en politiques culturelles
; que s’occuper de culture est un devoir du gouvernement.
Cinq décennies à brasser du vent
S’il y a bien une chose dont nous autres,
français, pouvons nous enorgueillir sans donner plus de crédit à notre
réputation d’arrogance, c’est bien notre culture. De notre patrimoine
architectural à notre littérature, de la musique au théâtre, de la peinture à
nos innombrables spécialités culinaires, nous sommes assis sur un trésor
séculaire d’une richesse et d’une variété qui, je crois, n’a été égalé par
aucune autre nation. Dans le monde entier, pour autant que je puisse en juger,
nous continuons à véhiculer ces siècles de tradition et de génie créatif comme
une image de marque de notre pays ; hier, à la cours de Frédéric II de Prusse,
on parlait français et on réservait l’allemand aux chiens ; aujourd’hui, de New
York à Tokyo, parler la langue de Molière reste encore infiniment hype [2].
Il a fallu attendre 1959 pour que le général de
Gaulle ait cette idée saugrenue que de créer un ministère de la culture, comme
si notre pays souffrait de graves carences en la matière. Pour être tout à fait
honnête, il faut dire que telle n’était pas l’idée du grand Charles ; il
pensait juste que confier ce ministère des affaires culturelles à Malraux
donnerait « du relief » au votre gouvernement de Michel Debré. De ce point de
vue, il faut lui reconnaitre d’avoir été visionnaire ; c’est en effet à peu
près tout ce que les titulaires successifs du poste – je pense notamment à
l’inénarrable Jack Lang – laisseront derrière eux : du relief et quelques
ardoises bien salées.
« Aussi magnifique que puisse vous sembler une
stratégie, disait Sir Churchill, vous devriez à l’occasion en considérer les
résultats. » De fait, alors que notre culture a rayonné sur le monde pendant
des siècles sans qu’aucun ministère ne soit chargé de cette lourde tâche, le
moins que l’on puisse dire c’est que, depuis 1959, les résultats ne sont pas
particulièrement probants. Une anecdote amusante, reportée il y a quelques
années par France Inter (c’est dire !), rappelait que c’est aux velléités
gouvernementales d’imposer des quotas de chansons en langue française à la
radio [3] que nous devions l’explosion du rap hexagonal ; je n’ai rien contre
le rap mais je suis à peu près certain que ce n’était pas précisément
l’objectif de la manœuvre. Ils voulaient du Johnny et du Cabrel, ils ont eu du
« Wesh, wesh, cousin »… Avouez que ça ne manque pas de sel.
Mais il y a pire encore : vous l’aurez peut-être
noté aussi, au grand dam d’une immense majorité de nos intellectuels
autoproclamés, le pays qui a le mieux développé et exporté sa culture au cours
des dernières décennies reste sans conteste les États-Unis d’Amérique. Eh bien
figurez-vous qu’au pays d’oncle Sam, il n’y a pas la queue d’un radis de
ministère de la culture et encore moins de politique culturelle ! De Hollywood
à Jean-Michel Basquiat ; de Paul Auster à Jack White : la domination culturelle
des États-Unis n’est pas l’œuvre d’une volonté centralisée mais d’initiatives
privées. Et que répondent nos ministres, nos bureaucrates et l’immense cohorte
de nos artistes fonctionnarisés ? Il faut donner plus de moyens au ministère
bien sûr !
Oh bien sûr, on m’opposera que Molière bénéficia
des largesses de Louis XIV ; c’est oublier que les dépenses du Roi-Soleil
n’étaient en aucune manière des dépenses publiques mais des dépenses privées ;
que ses choix n’étaient pas guidés par une politique culturelle mais par ses
goûts personnels – pardon, mais l’École des femmes ou Tartuffe ne me semble pas
correspondre tout à fait à ce qu’aurait pu être la politique culturelle de la
fille aînée de l’Église. Pour la suite, Monet, Renoir, Zola, Maupassant,
Cézanne, Flaubert, Sand ou Baudelaire – pour ne citer que quelques noms – ne me
semblent pas précisément avoir bénéficié du soutien de la puissance publique ;
et je vous passe la sollicitude de Napoléon III pour Victor Hugo.
Hégémonie culturelle
Je ne sais pas si mademoiselle Filippetti
donnera du relief à ce gouvernement mais ce qui, en revanche, me semble à peu
près certain c’est qu’elle participera – peut être involontairement – à
renforcer l’hégémonie culturelle des idées étatistes, jacobines,
centralisatrices et socialisantes dans notre beau pays. Je ne sais pas si
mademoiselle Filippetti a lu Antonio Gramsci mais si elle voulait faire en
sorte que le petit monde de la culture française soit totalement et
définitivement inféodé au pouvoir politique, elle ne s’y prendrait pas
autrement : subventions, commandes publiques, régime de sécurité sociale avantageux…
La meilleure méthode jamais inventée par les États pour contrôler leurs sujets
consiste à les rendre dépendants de subsides publics.
D’ailleurs, il ne vous aura pas échappé que la
presse, l’éducation, les milieux intellectuels et l’essentiel de l’industrie
culturelle de notre beau pays sont désormais fermement ancrés à gauche et que
les quelques poissons qui sont passés au travers des mailles du filet et se
disent de droite sont profondément étatistes. Autant dire qu’à quelques nuances
près, ils sont tous d’accord. Si Gramsci vivait parmi nous aujourd’hui, il
repasserait probablement son drapeau rouge dans l’attente du grand soir et
s’émerveillerait sans doute qu’un ministre de la République puisse qualifier la
culture de « domaine régalien de l’État » sans que cela ne choque visiblement
grand monde.
C'est vrai qu'elle passe mieux que Frédéric Mitterrand...
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[1] Qui, pardonnez-moi cette remarque
odieusement sexiste, n’en est pas moins une très jolie femme.
[2] Cessez donc de hurler, c’est tout à fait
volontaire.
[3] Loi n° 92-61 du 18
janvier 1992 et suivantes.
Allez-y mollo quand même, je vous signale qu'elle est une amie de FRANCOIS BEGAUDEAU ! Avec qui elle a écouté du painqueroque dans sa folle jeunesse. En ce qui concerne la photo, je suis bien d'accord que le seul fait de ne plus voir la tronche de FM est un soulagement...Pour le reste, oui, on se chargera, ici ou là, de...lui électrifier le QI
RépondreSupprimerDe François Bégaudeau? Alors ça change tout. Michel Onfray doit aussi être un bon ami je suppose, histoire de compléter le tableau de famille des rentiers de la Staten Kultur. Il doivent bien se retrouver de temps à autre pour écouter du Green Day en fumant des pétards nos notables de quarante balais en jean-basket, toujours aussi djeuns dans leur tête.
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